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Ces devoirs vous ont été rappelés lors de la cérémonie devant le maire. Ils découlent de plein droit de votre mariage. Or, contrairement à une opinion courante, le fait de lancer une procédure de divorce ne permet pas d’y échapper. Par ailleurs, ces devoirs, s’ils ne sont pas respectés, sont susceptibles de constituer une cause de divorce dans le cadre d’un divorce pour faute.
Le devoir de secours
Lorsqu’ils sont mariés, les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance (art. 212, C. civ.). Ensemble, ils assurent l’éducation de leurs enfants et contribuent aux « charges du mariage ».
Le devoir de secours constitue l’obligation alimentaire entre époux (de la même façon qu’il existe une obligation alimentaire entre parents et enfants). Il est fondé, en principe, sur l’état de besoin de celui qui le réclame : chaque époux doit porter un secours (matériel) à l’autre si celui-ci est dans le besoin.
Une fois la procédure de divorce engagée, les époux ne sont, par définition, pas encore divorcés. Par conséquent, le devoir de secours entre eux continue d’exister. C’est au titre du devoir de secours qu’est versée la pension alimentaire entre époux au titre des mesures provisoires, en application de l’article 255 du Code civil. Cette obligation alimentaire peut prendre plusieurs visages : ainsi, un époux peut par exemple être amené à laisser à son conjoint l’occupation gratuite du domicile conjugal, ou encore avoir à régler les mensualités d’un prêt immobilier concernant le logement familial. Quel que soit le cas de figure, le devoir de secours entre époux n’existera plus après le divorce.
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La contribution aux charges du mariage
La contribution aux charges du mariage est juridiquement distincte du devoir de secours. Pendant le mariage, la loi fait également obligation à chacun des époux de contribuer aux charges du mariage selon ses facultés, même si son conjoint n’est pas dans le besoin (art. 214, C. civ.). À défaut de le faire spontanément, un époux peut contraindre l’autre en justice.
Par « charges du mariage », on entend les dépenses de la vie courante telles que les frais de nourriture, de chauffage, les loyers, les frais médicaux, les dépenses de scolarité pour les enfants, voire les cotisations d’assurance vieillesse ou d’assurance maladie d’un des époux. À la différence du devoir de secours, la contribution aux charges du mariage inclus également les dépenses d’agrément (loisirs, voire – sous certaines conditions – certains investissements immobiliers pour la famille) (C. cass., civ. 1re, 18.12.2013, pourvoi no 12-17420 ; 11.4.2018, pourvoi n° 17-17457 et 17.3.2021, pourvoi n° 19-21463).
En cas de séparation de fait, il arrive qu’un conjoint « oublie » son obligation. Cela peut lui être défavorable, car le fait de refuser de participer aux frais de la vie courante est en lui-même une cause de divorce. Si l’époux qui est victime du refus ne veut pas demander le divorce, il lui est possible, dans un premier temps, de se borner à demander au juge aux affaires familiales du domicile conjugal la condamnation de son conjoint au paiement d’une contribution aux charges du mariage (art. 214, C. civ.). Il peut utiliser le modèle Cerfa n° 11525*07 fourni par le ministère de la Justice sur le site : www.servicepublic. fr.
La frontière entre devoir de secours et contribution aux charges du mariage
La question se pose de ce que devient cette obligation de contribuer aux charges du mariage lorsqu’une procédure de divorce est engagée.
La contribution aux charges du mariage est due jusqu’à la demande en divorce (l’ordonnance de non-conciliation – ONC – pour les procédures engagées avant le 1.1.2021)
Plus précisément, il faut tenir compte du type de divorce et du moment où il est lancé (art. 262-1, C. civ.). En effet, pour les divorces contentieux, la date de leurs effets change avec la réforme de 2019. Ainsi la date à retenir à partir de laquelle il n’est plus possible de demander à son conjoint une contribution aux charges du mariage est :
- pour les divorces par consentement mutuel sans juge, celle du dépôt notarié de la convention (pour ceux avec juge, celle de l’homologation de la convention) (art. 229-1, C. civ.) ;
- pour les autres divorces (divorce accepté, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute), celle de l’ordonnance de non-conciliation (ONC) si leur procédure est en cours au 1er janvier 2021, celle de la demande en divorce s’ils ont engagé leur divorce à partir de cette date.
La pension alimentaire est due à titre de devoir de secours jusqu’au prononcé du divorce
À compter de la demande en divorce (l’ONC pour les divorces engagés avant le 1.1.2021 comme indiqué ci-avant) et jusqu’au moment où le divorce a autorité de chose jugée (quand aucune voie de recours n’est plus possible), seule subsiste entre les époux l’obligation alimentaire du devoir de secours (outre, bien sûr, la pension pour les enfants) (art. 255, C. civ.).
La contribution aux charges du mariage est due en cas de rejet du divorce
Quand le juge rejette le divorce, il peut condamner un époux à verser à l’autre une contribution aux charges du mariage (art. 258, art. 253 pour les demandes déposées depuis le 1.1.2021, C. civ.).
La solidarité entre époux
Pendant le mariage, les époux sont « solidaires » pour ce que l’on appelle les « dettes ménagères » (art. 220, C. civ.). Cela signifie que :
- chaque époux peut passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ; il n’a pas besoin de l’accord explicite de l’autre époux ;
- inversement, toute dette du ménage engagée par l’un oblige l’autre solidairement, ce qui signifie que l’autre époux peut être contraint de payer cette dette. L’idée de ce texte est d’assurer à chaque époux le crédit nécessaire pour l’entretien du ménage et l’éducation des enfants puisque les créanciers du couple peuvent, en cas d’impayés, poursuivre les deux époux ou chacun d’eux pour le tout.
Quand cette solidarité joue-t-elle ?
Il est important d’indiquer ici que lorsqu’une procédure en divorce est lancée, il n’y a de solidarité dans les rapports entre époux que jusqu’à la date suivante :
- pour les divorces par consentement mutuel sans juge, celle du dépôt notarié de la convention (pour ceux avec juge, celle de l’homologation de la convention) (art. 229-1, C. civ.) ;
- pour les autres divorces, celle de la demande en divorce si elle est déposée depuis le 1er janvier 2021 et, si elle est déposée avant, celle de l’ordonnance de non-conciliation (art. 262-1, C. civ.).
En revanche, la solidarité existe vis-à-vis des tiers jusqu’à la transcription du divorce à l'état civil. Cette règle résulte de l’article 262 du Code civil, selon laquelle, en ce qui concerne les biens des époux, le divorce devient opposable aux tiers à compter de sa publication. Par exemple, vis-à-vis du bailleur, il importe peu qu’un des époux ait quitté le logement familial pendant la procédure de divorce. Il reste solidairement tenu du paiement des loyers jusqu’à la transcription du divorce.
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Quelles sont les dettes concernées ?
La notion de dette ménagère est très large puisqu’elle englobe :
- les dettes relatives aux enfants (frais de scolarité, de vacances, etc.) ;
- celles relatives au logement, quand les époux habitent les lieux mais également dans certaines conditions en cas de séparation (loyers, charges de copropriété, assurance multirisque, factures EDF, achats d’appareils ménagers, salaires de la femme de ménage, etc.);
- celles relatives à la vie courante (crédit auto, locations de vacances, etc.). Les sommes dues peuvent également être des cotisations d’assurance vieillesse (C. cass., civ. 1re, 17.11.2010, pourvoi no 09-11979) ou des cotisations dues par un époux au titre d’un régime légal obligatoire d’assurance maladie en présence d’un droit de réversion au profit du conjoint séparé.
Les cas où les époux ne sont plus solidaires
Cette solidarité du couple marié entraîne un important contentieux. Elle peut engager le ménage plus rapidement vers un surendettement, notamment en cas de retour à des crédits à la consommation. Pour limiter ce danger, il faut préciser que la solidarité entre les époux peut être écartée dans deux hypothèses :
- Quand la dépense, dont le paiement est réclamé par le créancier, est manifestement excessive eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou à la mauvaise foi du tiers contractant (art. 220, C. civ.).
- Quand il s’agit d’emprunts et de crédits. Les deux époux doivent donc signer l’acte pour être engagés – à défaut, l’acte de crédit ou d’emprunt n’engage que celui des époux qui l’a signé et non pas l’autre. Cela étant posé, fréquemment lorsqu’un seul des époux a signé un acte de crédit, le créancier demande à l’autre époux soit de signer aussi le crédit, soit de se porter explicitement caution solidaire. Dans ce cas, les époux sont bien sûr engagés solidairement.
Une exception importante existe à cette règle de non-solidarité pour les emprunts et crédits : les époux sont solidaires, même en cas d’emprunt et de crédit signés par l'un d'eux seulement, quand il s’agit de sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante du ménage et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, n’est pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. Cette dernière précision a été apportée par la loi Hamon no 2014-344 du 17 mars 2014. Elle a pour but de s’appliquer à une situation, fréquente en pratique, à savoir des emprunts contractés par un époux pour des sommes de peu d'importance à chaque fois, mais de manière répétée, de telle sorte qu’en définitive le total des crédits est susceptible de déboucher sur un endettement excessif (tel est, en particulier, le risque pour les crédits permanents dont la caractéristique est de se renouveler automatiquement au fur et à mesure que l’emprunteur les rembourse).
Les devoirs de respect, de fidélité, d’assistance et de cohabitation
En se mariant, les époux savent qu’ils vont s’obliger à un devoir mutuel de respect, de fidélité, de secours, d’assistance (art. 212 et 215, C. civ.). Ils s’obligent également à une communauté de vie, c’est-à-dire à l’obligation de cohabiter. Il s’agit là des principaux devoirs du mariage. On les retrouve, quand ils ne sont pas respectés, dans les causes du divorce (dans le cadre d'un divorce pour faute). Ces devoirs vont subsister pendant l’instance en divorce comme le prouve la jurisprudence (nuancée il est vrai) en matière d’adultère. Selon les tribunaux, en effet, il n’existe pas d’immunité pour les époux qui violent ces droits du seul fait qu’ils sont en cours de procédure de divorce : il faut donc les respecter tant que celui-ci n’est pas devenu définitif.