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Il arrive souvent que les parents s'accordent sur le montant de la pension alimentaire. Cependant, dans les cas conflictuels, ce n'est pas le cas ; les juges ont parfois du mal à trouver le bon équilibre. Nous vous expliquons ici la méthode que certains emploient.
L'intérêt d'un bon barème de pension alimentaire
La détermination du niveau de la pension alimentaire est un sujet qui impacte lourdement la vie des parents, évidemment, mais pas seulement : lorsque le montant décidé par le juge n'est pas compris par l'un des parents, il est rare que les choses en restent là et de nouveaux contentieux démarrent … ce qui n'est pas l'objectif du ministère de la justice qui cherche au contraire à diminuer le nombre d'affaires qu'il a à traiter !
C'est dans ce contexte qu'a été constitué en 2008 un groupe de travail restreint, à l'initiative du ministère de la justice. Il était composé d'un magistrat (J.C. BARDOUT), d'une économiste (C. BOURREAU-DUBOIS) et d'une juriste (I. SAYN). Leur travail aboutit à une règle de calcul qu'ils proposent “à titre indicatif”. Les juges n'ont aucune obligation de suivre ce barème, mais s'y reportent en général. D'où l'intérêt de bien comprendre d'une part comment il fonctionne et d'autre part quelles en sont les limites.
Un barème de pension alimentaire est un outil, pas une norme
Il est illusoire de proposer un outil qui puisse satisfaire tout le monde complètement. Lorsque les parents se séparent, il y a un appauvrissement (on donne parfois le chiffre de 30%) bien compréhensible : chaque parent va vivre de son côté, va devoir payer un appartement, des charges, auparavant partagées par le couple. Moins d'argent est donc disponible pour les enfants, constat souvent mal vécu par celui qui en a la garde.
Néanmoins, comme il faut bien se mettre d'accord, un outil permettant de fixer une référence commune, un chiffre de départ, est une approche qui permet d'enclencher des discussions dépassionnées puisque les parents ne décident pas seuls le montant à négocier avec son ex-conjoint. L'objectif recherché est l'acceptation de la pension alimentaire, et la capacité de celui qui va devoir la payer à honorer les mensualités (un montant de pension alimentaire trop important déclenchera des défauts de paiement !).
Principes de la règle de calcul de la pension alimentaire
Le détail des travaux de cette règle ont été décrits dans un rapport que vous pouvez lire ici si vous le souhaitez (cliquez-ici). Nous avons préparé pour vous un résumé simple dans les lignes qui suivent.
Pour déterminer les frais d'entretien et d'éducation des enfants, le groupe de travail est parti de l'échelle d'équivalence proposée par l'INSEE. Cette échelle donne le montant de revenu supplémentaire qu'un couple avec enfants devrait avoir pour atteindre le niveau de vie d'un couple sans enfant. Le montant de revenu supplémentaire aurait dû dépendre, entre autres paramètres, de l'âge des enfants, mais par soucis de simplification, le groupe de travail a décidé de lisser le coût des enfants sur l'ensemble de leurs années de minorité.
L'autre principe retenu est celui inscrit dans le code civil : « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant » (art. 371-2 C. civ.). Ce principe d’équité peut être défini ainsi : chacun des parents contribue au coût de l’enfant à proportion de la part que représentent ses ressources personnelles dans l’ensemble des ressources des deux parents. Dans ce modèle donc, le parent qui n'a pas la garde des enfants va payer une pension proportionnelle à ce qu'il gagne, celui qui a la garde des enfants est censé faire la même chose. Dans la pratique, on sait que ce n'est pas toujours le cas … mais le barème du ministère de la justice ne prend pas en compte cet aléa.
Autre paramètre retenu dans ce modèle : le mode de résidence de l'enfant. Il y a 3 modes de garde :
- la garde “classique” : l'enfant réside chez un parent et passe 25% de son temps chez l'autre (un week-end sur deux plus la moitié des vacances scolaires)
- la garde “réduite” : l'enfant réside chez un parent et passe moins de 25% de son temps chez l'autre
- la garde “alternée” : l'enfant passe 50% de son temps chez l'un et 50% de son temps chez l'autre
Le cas particulier de la garde alternée
On pourrait se dire que comme l'enfant passe 50% de son temps chez l'un et 50% de son temps chez l'autre, la règle de proportionnalité des dépenses liées à l'entretien et l'éducation des enfants est respectée. Néanmoins, ce principe peut être remis en cause (à la demande d'un des parents) dans 2 situations.
Le premier cas est relatif aux charges réelles de l'enfant : si un des parents assume principalement la charge financière des enfants (hors logement et nourriture - qui sont pris en charge par chacun des parents lorsque l’enfant habite avec lui -, et les dépenses de loisirs ponctuelles, il reste les vêtements, la cantine, les activités extra-scolaires, les dépenses de santé…).
L'autre situation est celle de l'incapacité d'un des parents à assumer les frais liés à la résidence alternée, par exemple lorsque le parent le moins aisé a du mal à prendre en charge seul un loyer ou à garantir un niveau de vie décent à ses enfants lorsqu'ils sont avec lui.
Dans ces deux cas, le barème prévoit une pension alimentaire, même en cas de résidence alternée.
Le barème de pension alimentaire en tableau
On arrive ainsi à dresser un tableau dont les 2 paramètres sont le type de garde et le nombre d'enfants :
Barème lissé sur 18 ans | Garde réduite | Garde Classique (décote de 25%) | Garde alternée (décote 50%) |
1 enfant | 18% | 13,5% | 9% |
2 enfants (coût par enfant) | 31% (15,5%) | 23% (11,5%) | 15,5% (7,8%) |
3 enfants (coût par enfant) | 40% (13,3%) | 30% (10%) | 20% (6,7%) |
4 enfants (coût par enfant) | 47% (11,7%) | 35% (8,8%) | 23,5% (5,9%) |
5 enfants (coût par enfant) | 53% (10,6%) | 40% (8%) | 26,5% (5,3%) |
6 enfants (coût par enfant) | 57% (9,5%) | 43% (7,2%) | 28,5% (4,8%) |
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Comment on détermine le revenu de référence pour le calcul de la pension alimentaire
Nous parlons ici du revenu du payeur, pas de celui qui reçoit la pension. Si le parent payeur a un nouveau conjoint, seul son revenu est pris en considération (le revenu du nouveau conjoint ne rentre pas en ligne de compte dans le calcul de la pension alimentaire).
Par convention, le revenu pris en compte est le revenu imposable. Si les revenus sont irréguliers, on prend la moyenne des 3 dernières années. Les prestations sociales sont également prises en compte à condition qu'elles soient imposables. Par exemple, les allocations familiales du nouveau foyer (si il y a des enfants nés du nouveau couple) ne sont pas prises en compte dans la détermination du revenu de référence du payeur. De même, si le payeur verse déjà une pension alimentaire, celle-ci n'est pas déductible de son revenu de référence. Dans ce cas, la cour de cassation a statué et instauré la règle suivante : le nombre d’enfants retenus pour apprécier le pourcentage des ressources du payeur qui doit être affecté à leur entretien et à leur éducation est le nombre total de ses enfants. Le montant de pension alimentaire sera ainsi partagé équitablement entre tous les enfants, ceux d'un premier mariage et ceux du second mariage par exemple.
Le cas des hauts revenus
La note explicative de l’outil d’aide à la décision précise que “la méthode proposée est mal adaptée pour les revenus les hauts : au-delà d’un certain niveau de revenu le barème perd progressivement de sa pertinence puisque le pourcentage appliqué au revenu du parent avec lequel l’enfant ne réside pas habituellement conduit à fixer une pension alimentaire ne correspondant pas aux dépenses effectives réalisées pour l’entretien et l’éducation de l’enfant. Il a donc été décidé de ne pas proposer de montant de pension alimentaire au-delà du seuil de 5000 euros de revenus mensuels. Le montant de pension correspondant à ce niveau de revenu peut servir de montant plancher pour fixer le montant de la pension lorsque le parent débiteur a des revenus supérieurs à 5 000 €.”
Le cas des revenus faibles
La méthode préserve en revanche les revenus les plus faibles : en dessous du revenu minimum d'insertion (RMI fixé à 565€ en 2021), le parent qui n'a pas les enfants à sa charge n'est pas tenu de verser une pension alimentaire (Le pourcentage permettant de calculer la contribution du parent débiteur est appliqué uniquement sur son revenu du débiteur net de ce minimum vital). Dans des cas extrêmes comme celui-ci (ou lorsque le payeur ne verse pas la pension) le parent peut demander l'allocation de soutien familial (ASF).
Comment fait-on lorsque les enfants se partagent entre les deux parents ?
Si certains enfants vivent chez le père et les autres chez la mère, le calcul est très facile puisque les parents doivent consacrer un pourcentage de leur revenu à l'entretien et l'éducation des enfants, qu'ils vivent ensemble ou non. La note explicative donne 3 exemples très clairs :
Exemple 1 : Yann réside habituellement chez sa mère et passe un temps de résidence classique chez son père tandis que sa soeur, Elise réside habituellement chez son père et passe un temps de résidence classique chez sa mère. Dans ce cas, le père et la mère sont chacun parent résident pour l’un de leurs enfants. Ils doivent donc se verser l’un et l’autre une pension alimentaire, à hauteur de 11.5% de leur revenu respectif (soit 15.5% avec une décote d’environ 25%).
Exemple 2 : Yann réside habituellement chez sa mère et passe un temps de résidence classique chez son père tandis que ses deux soeurs, Aline et Camille, résident habituellement chez leur père et passent un temps de résidence classique chez leur mère. Dans ce cas, le père et la mère sont chacun parent résident pour l’un ou deux de leurs enfants. Le père doit verser 19.8 % de son revenu à son ex conjointe (soit 13.3%*2, avec une décote d’environ 25%). La mère doit verser 10% de son revenu à son ex conjoint.
Exemple 3 : Thomas et Chloé résident habituellement chez leur mère mais Thomas passe un temps de résidence réduit chez son père tandis que Chloé passe un temps de résidence classique chez lui. Leur père devra verser à leur mère une pension alimentaire équivalente à 27% de son revenu (15.5%+11.5%).
Le cas des enfants majeurs poursuivant des études
La méthode est communément acceptée lorsque les enfants suivent des études dont le coût reste comparable à celui d'un lycéen. Il ne l'est pas pour enfants majeurs qui ne résident pas chez leurs parents. Dans ce cas, la pension alimentaire, qu'elle soit versée directement à l'enfant ou non, ne peut pas être déterminée à partir du barème présenté.
Appliquer ce modèle à votre situation
La méthode expliquée ci-dessus est simple, elle consiste en 4 étapes :
- déterminer le mode de garde
- déterminer les ressources du payeur
- le multiplier par le % indiqué dans le barème
Vous obtenez ainsi le montant mensuel que vous recevrez ou que vous verserez selon que vous avez la garde de vos enfants ou non.
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